top of page

 En bref... 

Clic Diaporama

LETTRE OUVERTE

Laurent B.

 

 

 

Qu’elle n’a pas été ma surprise lorsque je suis entré pour la première fois dans l’église Saint-Geniès de Rome à Tressan ! J’étais venu pour un simple travail de numérisation des vitraux dont certains en mauvais état réclamaient une attention toute particulière. Ma passion pour l’art en général et l’art religieux en particulier n’est plus à faire. Ancien élève des Beaux-Arts, j’ai très vite été attiré par tout ce qui touche à la création artistique. La petite église de notre village est hélas très peu utilisée, elle se bat contre l’indifférence coupable de la plupart de ses habitants. Humide, sombre et poussiéreuse à souhait, il est difficile a priori d’imaginer qu’elle puisse renfermer un trésor. Et pourtant c’est en éclairant le chÅ“ur avec de puissants projecteurs que j’ai réalisé à quel point je me trompai ! Je me suis retrouvé propulsé au beau milieu de deux artistes majeurs du XIXe siècle ; Édouard Marsal et Melchior Doze. Ce moment de fulgurance où l’esprit côtois l’exceptionnel est délicieux. Mais très vite la réalité a repris le dessus. Et c’est l’incompréhension qui a fait place à l’étonnement. Comment était-il possible de ne pas savoir ?

 

 

 

 

Partie 1

 

 

Édouard Marsal est un artiste surdoué. Sa créativité n’a pas de limite. Peintre, professeur à l’école nationale des Beaux-Arts de Montpellier, illustrateur, éditeur, fondateur de journaux, il est difficile d’être plus complet. Ses Å“uvres se retrouvent partout y compris là où on ne les attend pas ! Des enchères ont lieu à Londres, Amsterdam, San Francisco, Saint-Pétersbourg et Deauville. Certaines ventes se font par l’intermédiaire de la célèbre Maison Christie’s. Musées, facultés, tribunaux, églises et collections privées se partagent son talent. Cet élève de Cabanel collectionne les récompenses et avec son ami Frédéric Mistral, il deviendra en temps que « félibre majoureau Â» un gardien zélé de la culture et de la langue provençale. Ces nombreuses illustrations vont immortaliser par le crayon et la plume, la vie et les traditions du pays d’Oc et plus particulièrement de son « Clapas Â» (surnom familier que l’on donne à la ville de Montpellier, tas de pierres). Il va toute sa vie durant fréquenter les plus grands , Mistral, Cabanel, Delacroix, et autres sculpteurs, dessinateurs, illustrateurs, poètes, écrivains, journalistes, musiciens, compositeurs, conservateurs, professeurs de faculté (dont il deviendra le portraitiste favoris), sans oublier les hommes politiques. Édouard Marsal a puisé son inspiration dans sa chère ville de « Mount-pelié Â». Il restera fidèle à la « cigale d’or » jusqu’à sa mort en 1929. Ce jour là, les sept branches de l’étoile du pays d’Oc ; le Limousin, l’Auvergne, le Dauphiné, la Gascogne, la Provence et la « Guyenne Â» ont perdu un peu de leur éclat.

 

 

Quelque part dans un petit village de l’Hérault, une église paroissiale est en train de découvrir son affreuse méprise. Une huile sur toile représentant Saint-Augustin de 3,50 m par 1,50 m signé Édouard Marsal (1888) se bat depuis plus d’un demi-siècle contre les injures du temps. Signalée « en mauvais état, distendue et craquelée » depuis plus de 40 ans par une enquête de l’inventaire général de 1974, versée le 14/03/1991 à l’inventaire général du patrimoine culturel (IM 34000 417) et oubliée dans une coupable ignorance, il est aujourd’hui grand temps de réaliser ce que nous perdons et refusons de léguer aux générations futures. Cette méprise ne s’arrête malheureusement pas là ! Face-à-face le chÅ“ur droit et le chÅ“ur gauche de l’église Saint-Geniès de Rome se disputent les honneurs de deux artistes ; Édouard Marsal et Melchior Doze…

 

 

 

Partie 2

 

 

Melchior Doze est un peintre d’histoire né à Uzès le 16 décembre 1827 (mort en 1913). Il appartient à une famille originaire de Nîmes*. « C’est un chrétien convaincu, sincèrement croyant et qui pratique ce qu’il croit ». C’est également un artiste épris de la tradition, possédant à fond les livres saints et les commentaires des exégètes. « Ton pinceau sera grand, si ton cÅ“ur est pieux » (Reboul, « Ode à Cigalon Â»). Élève du grand Hippolyte Flandrin, il va dès âge de 15 ans collectionner les titres, récompenses et autres distinctions honorifiques. À 25 ans Il est déjà l’un des peintres les plus estimé de la province. Médaillé par deux fois au salon de Paris (1861–1863), il se distingue aux expositions de Nevers et de Draguignan. Il obtient la fameuse « mention spéciale Â» à Lyon en 1861 « médaille du plus beau module et de la plus rare beauté. D’autres « trophées Â» à Montpellier, Nîmes, Albi, Carcassonne, Amiens et Périgueux viennent enrichir sa collection. Il est fait Chevalier de l’Ordre Royal Espagnol d’Isabelle La Catholique par décret royal en 1877, Chevalier de l’Ordre de Saint-Sylvestre et Chevalier de l’Ordre de Léon XIII par décret du Vatican. Rivé à son atelier nîmois, il va répondre à de prestigieuses commandes. L’empereur en personne lui achète sa frise des « Prophètes », l’État de Genève ; le tableau « seul au monde » et la ville de Toulon ; « Saint-Pierre et Saint-Jean. « Le voilà reconnu talent remarquable » (Opinion du Midi, 2 juillet 1865). Il participe activement à la mise en valeur picturale de la cathédrale de Nîmes. Il est professeur au lycée impérial de Nîmes pendant plus de 30 ans, puis directeur et conservateur du musée de Nîmes. En mai 1892, il est chargé par son seul talent de créer une Å“uvre originale dans la célèbre église du Rosaire de Lourdes (la mosaïque de « l’Annonciation Â»). Parmi les inconditionnels de son Å“uvre : le célèbre architecte Viollet-le-Duc avec lequel il collaborera. Professeur honoraire de l’université de Nîmes, académicien nîmois, juré tutélaire, il enrichit les collections privées du comte Despous avec le « Couronnement de la Vierge » (1876). On le retrouve aujourd’hui dans les musées d’Uzès, de Nîmes et de Montpellier. Des tableaux de genre viennent compléter les tableaux religieux. Monsieur Baudoin, procureur général de la cour de cassation (1875) lui achète « l’enfant aux cerises Â». De nombreux paysages et animaux, une série considérable de portraits (procureurs, curés, nobles et évêques), des cartons pour verrières, dont deux dans l’église de Genève, des copies de maîtres (Cigalon, le Brun, Bouchet, Delaroche et Greuze) donnent à cet artiste une reconnaissance nationale et internationale. Lui qui a passé la plus grande partie de sa vie reclus dans son atelier de Nîmes éclabousse de son talent toute la France et bien au-delà. Tout comme Édouard Marsal à Montpellier, il possède sa rue à Nîmes.

 

* Acte de naissance : « L'an 1827, le 18 décembre à 10 heures du matin, a comparu Auguste Lambert, Doze, âgé de 31 ans, vérificateur des poids et mesures de l'arrondissement d'Uzès et domicilié, a déclaré que Marie-Antoinette Mercier son épouse, âgée de 26 ans, fut accouchée dans la maison d'habitation, rue du Grand Arce, d'un enfant de sexe masculin prénommé Melchior Jean-Marie (AC série E n. 11).

 

 

Quelque part dans un petit village de l’Hérault, une Å“uvre majeure de Melchior Doze « la mort de Sainte-Sophie » (1880), tableau de 3,50 m par 1,90 m réalisé à Nîmes perd de son éclat un peu plus chaque jour (Numéro de l’inventaire IM  34000 416). Sa toile distendue commence à montrer des signes de craquelures, la forte humidité ambiante laisse augurer un avenir sombre pour cet Å“uvre majeure.

 

 

 

Conclusion

 

 

Désormais nous ne pouvons plus ignorer la présence de ces deux tableaux. Que peut-on faire ? Ou plutôt qu‘allons nous faire face  Ã  ce défi culturel ? Allons nous ignorer le « beau Â» et retourner coupablement aux tâches ingrates de notre quotidien ? Nous avons une chance, peut-être la dernière d’aller bien au-delà de nos simples préoccupations qu’elles soient religieuses ou laïques. Il est urgent de demander le versement au titre des monuments historiques de ces deux peintures exceptionnelles.

 

Nota: L’enquête de l’inventaire général porte bien son nom. En effet il est vraiment très superficiel (même s’il a le mérite d’exister). L’étude du tableau de Doze montre les limites des connaissances religieuses des enquêteurs de l’époque. Il cite une Sainte sans la nommer, les détails du tableau sont vagues et ne correspondent pas aux écritures et aux commentaires des exégètes.

 

 

 

Bibliographie

 

Bibliothèque Seguier, ville de Nîmes, numéro 279 Melchior Dose (F. Chapot) 1893, (30 64 14 0120) « Melchior Dose, peintre d’histoire » partie1, partie 2: pages 97–124 et pages 244–273

 

Musée des Beaux-Arts de Nîmes

 

Église de Notre-Dame du Rosaire de Lourdes, « mosaïque de la Nativité Â» 1893

 

Les dictionnaires départementaux « Gard, Dictionnaire, Annuaire & Album Â» (Paris, librairie Flammarion), bibliothèque municipale de Nîmes, 306263 0120, dictionnaire bibliographique, pages 220 à 225, Dose Melchior

 

Histoire de la ville de Nîmes depuis 1850 jusqu’à nos jours par Adolphe Peyre, tome premier, 1886, Catelan, libraire–éditeur, bibliothèque Séguier, ville de Nîmes.

 

Nîmes, journaux, « Furet Nîmois et Nîmois réunis Â», articles, intérêts et faits locaux, nouvelles locales, articles divers,  Â« Courriers du Gard Â», « Gazette de France Â»

 

Académie de Nîmes, séance du 28 juin 1879

 

« L’oeuvre de Melchior Doze, « Membre du comité de l’Art Chrétien », document diocèse de Nîmes, séance du 16 mai 1913,  pages 305 à 310, certifié exacte par le chanoine François Durand, secrétaire

 

Musée de la ville d’Uzès, m uzes .fr

 

Office de tourisme de Nîmes, concert, association des « Amis de l’Orgue Â» Cavaillé, Coll.,  de l’église Saint-Paul de Nîmes, 14 avril 2013,  projection sur écran des Å“uvres du peintre nîmois Jean Melchior Doze sur des musiques de Franck Fauré, Massenay et Saint-Saëns, avec Agnès Bruguerolle, soprano, Martine Idée, contralto et Georges Cabarel à l’orgue

 

« Les Salons, Dessins et Autographes Â» 1868,  exposition des Beaux-Arts, Paris « les Prophètes Malachias et Sophonias »

 

Melchior Doze, wikipédia.org, peintre français

 

Melchior Doze, CAOA, Ministère de la Culture, Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine, Direction du Patrimoine, culture.gouv.fr, Base Mistral

 

Bibliothèque numérique de Nîmes, «  Melchior Doze : peintre d’histoire Â» B3 100 896 101–LEG 0279 …

 

Exposition, musée Georges Borias d’Uzès,  centenaire de la disparition de Melchior Doze,  exposition 2013, ancien évêché de la ville d’Uzès « nîmes.catholique.fr»

 

Article midi-libre.fr « musée municipal d’Uzès : l’objet du mois de Melchior Doze »

 

Art.net.com

 

 

 

 

Édouard Marsal, inventaire général du patrimoine culturel région Languedoc-Roussillon

 

Archives municipales de Montpellier « Eaux Vives  Â»

 

Musée du vieux Montpellier

 

Les collections de l’université de Montpellier (sciences, pharmacie, médecine), rubrique mobilier 

 

Dons faits au muséum Calvet pendant les années 1871–1875, Avignon, 1876

 

« La Jarjaillade », « Obras Langadoucianas » de J. B. Favre, illustradas per Édouard Marsal 22 et 29 mai 1878

 

Musée Paul Valéry à Sète « satyre et bacchantes »

 

Musée Fabre de Montpellier, huit tableaux (voir liste)

 

Bibliothèque de Montpellier « Dins las carrieras dau clapàs Â» per Édouard Marsal, 1896

 

Bulletin municipal, ville de Montpellier, numéro 11, février 1979

 

 

Gallica, catalogue général, BNF, Bibliothèque Nationale de France

 

1878, édicion dau centenari illustras, obras completas, Joan-Batista Fabre, illustrations de Édouard Marsal, 1983, réédition

 

Memonium, bibliothèque patrimoniale, recherche Édouard Marsal code C477, 30419)

 

« Eaux-Vives Â», archives de la ville de Montpellier, bibliothèque numérique de Montpellier référence 1J 1169, « correspondance passive du peintre Édouard Marsal entre 1865 et 1909

 

atelier.du.regard.com, restauration de tableaux : « le métayer », scène de sulfatage

 

« L’historia de Joan- l’an-pres, édition 1878

 

Médiathèque Occitane de Beziers CR doc Ms16 1917 « Mas cansous Â» » poème de Joseph Soulet illustrés par Édouard Marsal

 

1882, «  La Favorite Bou-Amena Â», roman historique de Louis d’Arène

 

1887, « Ma Dinièrola Â» de Joseph Henri Castelnau, « La Corona pouètica dau Languedoc illustrada per Édouard Marsal Â»

 

1894, «  Li Couquinho d’un Roumieu Â», recuei de pouèsio provençalo Â» de Louis Roumieux, Frédéric Mistral et Édouard Marsal

 

1895, « Les Saintes-Maries de Provence Â» leur vie et leur culture de Jean Lamoureux, éditions Lafare frères

 

1920,  Â« En Memoria de Jolly Â» éditeur, Montane Montpellier

`

1890,  « Grand cortège historique au XVIe siècle de Édouard Marsal Â» imprimeur, centrale du midi

 

1890, ville de Montpellier : « VI centenaire de l’université, le 25 mai 1800 Â«  de Édouard Marsal, éditeur Montpellier, Hamlin

 

Gaston Jourdanne, félibres majoraux, portraits, notes biographiques et bibliographiques, code Ms 886, 269 pages, bibliothèque faculté de lettres de Toulouse

 

Enchères maisons Christie’s à Londres, Mercier & co, Deauville Auction, Bonham & Buther Fields ( San Francisco et Los Angeles)

 

« L’Opéra d’Aubais e lo tresaur de substancion Â», cercle occitan de Montpellier, institut d’études occitanes, textes et illustrations de Édouard Marsal, réédition de 1983

 

« Là Siège de Cadarossa » édition 1878 et illustrations Édouard Marsal, texte de Jean-Baptiste Fabre, réédition de 1983

 

0.P.R., Oil Painting Reproduction, reproduction à la main sur commande du tableau de Édouard Marsal : « Alfred Bruyas dans son atelier Â» (musée Fabre, Montpellier)

 

Catalogue Des ouvrages de culture, dessin, sculpture, architecture de l’exposition nationale 1896,  chronique, dessins 626 et 627

 

« Lo Sermon de Monsur Sistre Â», réédition de 1983, Institut d â€˜Ã©tudes occitanes, textes et illustrations de Édouard Marsal

 

 

(Suite)

 

Si l’ on ajoute à ces deux huiles exceptionnelles de nombreux vitraux originaux (style Dagrant) datant du XIXe et un statuaire éclectique, cela fait de notre petite église paroissiale un véritable petit trésor.

 

Nota: Les vitraux représentent des Saints que l’on retrouve très rarement dans les églises (Saint Ernest, Saint Adrien, Saint-Étienne, Saint Camille de Lellis…). Cela pourrait signifier que les « cartons Â» utilisés dans leur fabrication sont uniques. 

 

Saint-Geniès de Rome est un chef-d’oeuvre en grand péril. Il existe un immense décalage entre l’aspect extérieur et l’aspect intérieur de l’église. Si à première vue, les murs semblent soignés, le taux d’humidité et le manque d’entretien mettent en danger l’ensemble de son mobilier. 30% des vitraux sont en partie cassés. La toiture à chaque équinoxe devient une véritable passoire. Il est temps de prendre conscience de la valeur inestimable des tableaux, des vitraux et des objets divers qui s’y trouvent. Ce travail de recherche et de mise en valeur des oeuvres de l’église Saint-Geniès de Rome à un seul but: transmettre aux génération futures le goût de l’art, qu’il soit religieux ou laïque.

 

Saint-Geniès de Rome (ou Genis, Genest ou Genès)

 

On admet que les paroisses répondant au nom de Saint-Geniès (huit en France) avaient pris pour Patron Genest ou Genes, mime martyrisé à Rome sous l'empereur Dioclétien et devenu le patron des comédiens. Comèdien de son état, il tenait ce jour là, sur scène, le rôle d'un païen qui reçoit le baptême et que l'on tourne en dérision pour cette raison. Il fut pris à son jeu, reçut la grâce de la foi et, un beau jour, la représentation terminée, se déclara chrétien. Comme il ne voulait pas se dédire, malgré les tortures, il fut condamné à être décapité.

bottom of page